Conférence : "La méthode française"

 

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La méthode française.

 20 novembre 2003, Sainte Cécile du GLAAF

 

J’ai essayé pour cette conférence débat, qui devait au départ durer deux heures, d’étudier l’évolution de la technique française au travers des manuels pratiques de lutherie.

Je livrerai en conclusion quelques considérations sur la méthode française, et la transmission du métier, qui ne manqueront pas de lancer la discussion

 

La première constatation, est que tous les ouvrages techniques ou pratiques publiés ont été inspirés ou écrit par des luthier. Tel est le cas du premier, "la Chélonomie", ouvrage de l’abbé Sibire, qui a été dicté par Nicolas LUPOT.

Les ouvrages suivants, le Maugin en 1834, puis le Maugin Maigne en 1869 et 1894, le Tolbecque en 1903 puis le Roger et Max Millant en 1952, on tous été inspirés et pour le dernier écrit par des luthiers.

Notre profession, souvent décrite comme avare de vulgarisation est au contraire à l’origine de la diffusion du savoir, et le présent nous le prouve encore au travers des ouvrages d’expertises récents. Exit donc l’image du luthier cachant ses secrets à ses élèves, le luthier est comme le commun des mortels, fier de ses connaissances, il les partage volontiers.

 

Revenons à la "Chélonomie" de l’abbé Sibire, publiée pour la première fois en 1806.

Ce n’est pas proprement dit un manuel pratique, et son ton sentencieux et pédant ne donne pas vraiment envie de chercher plus avant les signes d’une technique particulière.

Dans cette période post-révolutionnaire, on fustige l’obscurantisme des prédécesseurs, on prétend que la lutherie est une science exacte, enfin on accepte pour soi des méthodes qu’on estime scandaleuses chez ses concurrents, comme les retouches d’épaisseurs ou les revoûtages. Il est vrai que d’après Sibire, Lupot à un discernement et une connaissance qui manquent à ses contemporains

De ce livre aussi intéressant qu’illisible, on retient d’un point de vue pratique un souci des proportions, la modification du renversement rendue nécessaire par la révolution de la musique, et quelques détails : la barre doit être placée droite, dans le fil et sans presque forcer, mais elle doit être élastique. La touche doit être bien pleine, sans cavité interne. Pour le reste, du moins pour ce qui est construction, on nous fait languir plus qu’on nous instruit.

Mais ces quelques extraits de la Chélomonie nous mettent sur la piste d’une spécificité française à mon goût :

« Sur un violon à établir, nous dit Lupot, mille se présentent à raccommoder. ».

 Ou encore :

« Pour peu que les Luthiers aient du renom, ils ne savent auquel entendre, et la création qui dans tout autre état est la partie brillante et principale, n’est presque dans le leur qu’un objet secondaire.

Observez en second lieu que l’art de la restauration sert beaucoup à perfectionner celui de la fabrique, en lui donnant une plus grande étendue.

Observez enfin que la Lutherie est peut-être le seul métier au monde, où le vieux soit constamment plus estimé que le neuf, et l’entretien plus difficile que la bâtisse. ».

Dans trois ans, cela fera deux siècles que ces lignes tellement actuelles ont été écrites.

 

Le deuxième ouvrage étudié est de 1834. Première édition du manuel Maugin.

C’est le premier vrai manuel pratique, mais on ne sait pas précisément qui fut le luthier inspirateur. L’auteur cite l’ouvrage de Antonio Bagatella de 1782, et parait bien connaître aussi la lutherie allemande.

L’ouvrage est extrêmement précis mais je n’en tirerai que quelques éléments :

On utilise le moule en dehors.

La gorge se fait à distance du bord.

Mais … le filetage se fait sur coffre…

On signale l’existence d’un trusquin à deux lames, mais on explique comment tracer le filet en deux fois avec un trusquin à une seule lame !

Les filets, tirés au rabot dans de l’alisier sont teints (bois d’Inde, vinaigre et clous) et sont précollés.

L’usage de la lime est indiqué pour nombre d’opérations, mais les ouies sont taillées au canif, en partant des trous percés au préalable.

Pour la finition, Maugin préconise le ratissoire puis le papier de verre, et avant le vernissage, il recommande d’alterner éponge humide et papier de verre pour tous les extérieurs. Je cite : « Enfin on recommence ces opérations jusqu’à ce que le bois, parfaitement poli, ait l’apparence du vernis peu brillant. Préparant alors une eau de colle très légère, vous en donnez une couche à l’instrument, et, lorsque cette couche est parfaitement sèche polissez encore avec le papier de verre, et l’ouvrage est prêt à recevoir le vernis.) »

La touche est collée définitivement avant le vernissage.

Pour les teintes de fond puis éventuellement de vernis, on mentionne le campêche à l’alun pour la teinte brune des tyroliens, et le rocou à la potasse pour les instruments de Mirecourt. Les recettes de vernis sont suffisamment diverses pour que chaque adepte d’une méthode se trouve conforté dans son choix.

 

En 1869, M. Maigne réédite et complète l’ouvrage de Maugin par la fabrication des cordes harmoniques. Le contenu technique ne change pas.

L’édition de 1894 de ce manuel devenu manuel Roret ne modifiera rien au chapitre fabrication de cet ouvrage, pas même l’anti-poiriette ou le collage définitif de la touche après vernissage. Pourtant, la préface, qui présente les ajouts, stipule que la partie lutherie a été revue avec soin par les frères Paquotte, luthiers parisiens bien connus.

Soit les frères Paquotte, n’on pas crus bon de modifier une méthode somme toute suffisante pour ce type d’ouvrage, soit Henry et Placide ont tout oublié de leurs passages à Mirecourt, soit je mésestime l’époque d’abandon du filetage sur coffre, en tout cas, rien dans la succession des opérations n’a changé depuis 1834.

En 1878, parait l’ouvrage de Turgan sur les grandes usines.

Nous y trouvons une description intéressante de la fabrique Thibouville :

 « Il y a longtemps que la fabrication des instruments à cordes a été introduite à Mirecourt. La tradition raconte qu’elle fut favorisée par Stanislas, quand il fut nommé duc de Lorraine. Les ouvriers y travaillent chez eux, soit à  fabriquer des pièces séparées, soit à assembler des pièces préparées par d’autres ; quelques-uns même font encore des violons entiers, mais ce sont des artistes qui deviennent de plus en plus rares.

Le principe de la division du travail a maintenant triomphé de tous les préjugés anciens, aussi bien pour les violons que pour tant d’autres choses, les montres et les fusils, par exemple. »

« La table se faisait autrefois sur une machine appelée creusoir, en évidant avec des rabots d’une forme particulière, à semelle convexe (…). Pendant tout ce travail, l’ouvrier devait sans cesse, avec un compas, mesurer les épaisseurs, pour constater le résultat de son travail ; la fabrication de ce qu’on appelle une table d’harmonie était donc une opération longue, méticuleuse et par conséquent assez chère.

M. Thibouville a longtemps cherché les moyens d’arriver à remplacer ce creusement à la main, qui ne réussissait pas toujours, en donnant mécaniquement au bois la forme légèrement bombée que doit affecter une table d’harmonie.

Il réalise ainsi une économie considérable tout en obtenant un meilleur résultat qu’à la main. »

Je fais une parenthèse pour indiquer qu’alors, le violon à cinq francs était un symbole de démocratisation de la musique, et d’excellence de rapport qualité prix. Ce n’est que quand l’inflation rendra impossible le maintient de ce rapport, que le qualité de la lutherie industrielle s’effondrera, et que les fabrications mirecurtiennes cesseront de faire pâlir de jalousie les fabricants allemands pour faire pâlir de honte les artistes français.

 

Revenons aux manuels pratiques de lutherie. En 1903 parait le célèbre ouvrage d’Auguste Tolbecque, violoncelliste, élève de Victor Rambaux pour la lutherie, et ami de Gustave Bernardel.

Dans son avant-propos, Tobecque rend hommage à « l’habileté des ouvriers de Mirecourt qui est légendaire et que n’a pas réussi à annihiler l’apparition des procédés de la fabrication industrielle moderne. » Il ajoute : « Pour se perfectionner dans son art, le luthier de Mirecourt n’en est pas moins obligé d’aller dans les bons ateliers parisiens. »

            Nous nageons dans cet ouvrage en pleines méthodes françaises au pluriel, car il explique plusieurs techniques. Il montre par exemple en premier le moule en dehors mais préconise le moule en dedans. Je cite : 

« Pourtant la routine a encore ici le pas sur le progrès, car malgré l’évidence incontestable de la supériorité d’un procédé sur l’autre, c’est le plus pratique qui a été presque complètement abandonné. L’habileté de l’ouvrier doit suppléer à l’insuffisance des moyens « nous avons toujours fait comme cela », vous sera-t-il répondu, et c’est paraît-il une raison péremptoire. »

            Les filets se posent d’après l’auteur précollés à Mirecourt, à trois brins à Paris. Victor Rambaux quand à lui, les préparait à trois brins et les collait sur des tringles de laitons ayant la forme des contours de l’instrument. Par contre dans les bonnes maisons, à Paris comme à Mirecourt, ils sont tirés à la filière. Tolbecque mentionne encore la méthode italienne, sur coffre, abandonnée dit-il par les bons ouvriers.

            La méthode pour ragréer est nette : sans tracé au trusquin qui se voit toujours, mais bel et bien à distance du bord et non jusqu’à l’arête.

            Le tablage se fait à l’aide de petites chevilles, mais l’auteur mentionne la raison de l’abandon de cette méthode par certains modernes en raison du coté périlleux des détablages futurs.

Les ouies sont percées au canif après avoir creusé les pattes inférieures.

La barre fait ressort, mais force peu, et surtout, que la patte d’ff ne ressorte pas !

Tolbecque reproduit le chapitre de l’enclavement du manuel de Maugin, mais il préconise le collage de la touche à l’aide d’une contre-partie plutôt qu’avec une tresse.

Il présente surtout comme un usage déjà ancien de ne coller la touche que faiblement puis de vernir avec une fausse touche, expliquant que l’ancien usage du vernissage touche collée n’était possible qu’en raison de la petite longueur de cette dernière.

Apparaît aussi la notion de poiriette moderne, dont l’auteur attribue l’usage à quelques luthiers.

 

Nous arrivons au bout de notre périple technique au fil des manuels par la bible de déjà plusieurs génération : le manuel du luthier de Roger et Max Millant.

Quoi de changé depuis Tolbecque ? Essentiellement le style de l’ouvrage, plus pratique et plus précis. Ainsi quand Tolbecque oublie de parler de la position de la barre, les Millant préconise de l’incliner un peu. (Par contre ils ne prennent pas position sur la poiriette.)

Mais rien dans cet ouvrage ne s’écarte de ce que nous avons appris auprès des maîtres mirecurtiens allant de Léon Mougenot à René Morizot, en passant par Dieudonné, Jacquemin, Didier ou Hilaire. Nous avons bien ici décrit la technique française, mais avons-nous la description complète de la méthode ?

Pour définir cette méthode, j’ajouterai aussi des choses plus indicibles, comme l’émulation régnant dans les ateliers de fabrications ; la pression patronale ; le goût du pari, qui poussait l’apprenti à faire son violon très ou ‘’trop’’ rapidement, en fait, le souci de rapidité dont souvent j’explique le résultat en montrant qu’un trait tracé lentement au tableau est droit mais tremblé alors qu’un trait rapide est peut-être légèrement de travers, mais n’est jamais hésitant.

J’ajouterai encore le sentiment de corps à corps de l’artisan avec l’instrument, le rôle du luthier et de l’établi comme mâchoires d’un étau.

J’analyserai aussi une rationalisation du geste qui est toujours efficace, un choix d’outil à l’échelle du travail, à l’opposé de l’usage de ces minuscules limes trop rondes, trop étroites et trop fines dont l’usage par les stagiaires nous exaspère parfois. D’ailleurs la lime était-elle utile ? Un coup de canif, un coup de gouge magistral, et c’était fini, et mieux fini !

Si la technique est issue d’une évolution lente sur les deux siècles que nous venons d’étudier, quand donc est née cette méthode précisément ?

Ma réponse vous semblera provocatrice : de l’industrie, des fabriques, de la nécessité de faire vite et bien. De la rationalisation née à Mirecourt au début du 19ème siècle.

Dès l’instant ou Didier Nicolas aîné en 1819 présente à l’exposition de Paris un violon de qualité bon marché, il ne doit sa prouesse qu’à une rationalisation du travail. Plus question, si on travaille à la division, de destiner une table ou un fond à une seule couronne d’éclisse, plus question de monter en l’air, de fileter sur coffre par exemple.

Je vous livre cet extrait du Maugin de 1834 sur un mérite de la division du travail auquel vous souscrirez sans doute tous :

« Avant d’aller plus loin, je dirai que les chevilles et les boutons étant l’ouvrage du tourneur, c’est près de ce dernier que le luthier se procure ces fournitures. Les chevalets et les cordiers s’achètent chez des marchands roulants de Mirecourt, et si bon marché qu’il n’est presque pas de luthiers qui confectionnent ces deux objets. Celui qui cependant voudrait s’en occuper, réussira bientôt à faire des cordiers : quant au chevalet, il lui faudra beaucoup de temps avant d’en faire un qui soit aussi bien fait et d’une forme aussi gracieuse que ceux de Mirecourt. Dans cette ville de fabrique, l’ouvrier qui fait des chevalets ne fait rien autre chose, aussi les fait-il parfaitement et habilement. »

            Qu’on ne se méprenne pas, je ne chante pas les louanges de l’industrie, j’explique seulement pourquoi les artisans eux aussi, face à ces instruments bon marché ont du faire vite et bien : rationnel.

            La méthode française est donc née de l’art et de l’industrie, mais n’est-ce pas du mariage de la noblesse et de la roture que naissent les plus beaux bébés.

            Ce souci d’efficacité, s’il est issue de l’industrie ne doit pas être rejeté pour autant. c’est lui, la spécificité de la lutherie française, qui fait qu’on trouve plus facilement du travail en étant formé à cette méthode qu’à une autre, et qui nous permet de gagner honorablement notre vie.

            Il faut conserver tout ce que nous pouvons de cette méthode, car la législation ne nous permet pas de conserver tout. La société a évolué.

            Dans le premier apprentissage mirecurtien, il n’y avait pas de recherche artistique. On imitait le maître en face de soi (ce qui était possible en faible effectif n’est plus possible à plus de deux élèves). On disait d’ailleurs « mon maître m’a montré » et non « mon maître m’a appris ».

On commençait très jeune (13 ans pour Léon Mougenot en 1887). Aujourd’hui, on se bat contre le travail des enfants. De grâce, n’allons pas le regretter !

Enfin les semaines du dernier apprenti de Léon Mougenot, de 1947 à 1949, étaient encore de 48 heures extensibles, et 48 heures à l’établi. Il avait 15 ans. S’il voulait se cultiver, c’était en dehors. Le stage d’archèterie, c’était en plus du travail. Nous n’y reviendrons plus !

           

En 1948, justement, Francine CABOS, étudiante d’HECJF, publiait un ouvrage analysant la lutherie et en pleine crise, envisageant son avenir. La préface de l’ouvrage est d’Emile Français

            Melle CABOS, passe en revue toute l’histoire de la lutherie, décrit la fabrication à la française et l’évolution que nous venons nous même d’analyser avec une précision étonnante pour une profane. Décrivant l’outillage et le traçoir à fileter, elle nous précise qu’on utilisait autrefois le compas becquet, qu’aucun de mes auteurs n’avait nommé.

            Je cite :

Devant le manque de main d’œuvre et la crise des vocations :

« Le préfet de Nancy, dans le louable but de stimuler l’apprentissage en lutherie, a décidé que l’apprenti recevrait de son maître un salaire croissant avec les années d’apprentissage se montant à 33.100 francs pour les trois années.

Le résultat fut tout autre que celui qu’on escomptait. Il était pourtant facile à prévoir : les artisans, les petits patrons, effrayés de ces charges accrues, refusèrent catégoriquement de prendre des élèves

Le code du travail dit aussi que le maître doit enseigner progressivement et complètement l’art, le métier ou la profession spéciale qui fait l’objet du contrat.

Or, un contrat d’apprentissage étant signé pour trois ans et clôturé par le CAP, il est impossible de livrer à lui-même un élève possesseur du CAP, car on ne fait pas un luthier en trois ans, ce serait compromettre le renom de la lutherie.

Quel doit être, en effet, le champ de connaissances du luthier d’art ?

En plus de la construction, le luthier doit connaître à fond la réparation, la restauration, véritables cas d’espèces qui nécessitent une longue pratique. Il doit être très versé sur les différents styles, les différentes écoles, étude parfois longue comme la vie ; et, enfin, il convient d’ajouter à tout cela, de solides connaissances théoriques associées à une bonne culture artistique et classique.

On ne soupçonnerait pas que les connaissances d’un luthier d’Art dussent être si étendues. Il est donc juste qu’il ne soit pas assimilé à n’importe quel petit apprenti, et la revendication du Groupe des Luthiers et Archetiers d’Art d’assimiler leurs élèves à des étudiants, de leur conférer même le titre d’Étudiant est légitime.

C’est le souhait que formule le Groupe de Luthiers et Archetiers d’art dont le Rapporteur, M. Énel, dans sa magistrale étude pour la formation d’étudiants en lutherie d’art écrit :

« Nous pensons à cet égard que les élèves des Luthiers et Archetiers d’art doivent être considérés au point de vue légal de la même façon que le sont ceux des Beaux-Arts, qui, en aucune manière, ne sont assimilés aux peintres en bâtiment ou aux tailleurs de pierre. »

(…)

Cependant, la fondation d’une École de lutherie semble indispensable en ce qui concerne la formation de la main-d’œuvre destinée aux ateliers de Mirecourt ou aux usines, et surtout pour ce qui a trait aux cours théoriques (histoire de la musique, de la lutherie, chimie, acoustique) que les élèves se destinant aux ateliers de lutherie d’art auraient intérêt à suivre, quitte à se perfectionner ensuite dans ce domaine, pendant leur stage terminal à Paris ou en Province.

Cette idée est à l’étude pour le moment, et il est question de fonder une École de luthiers à Mirecourt.

Mais, revenons à nos étudiants en lutherie d’art. Avant de considérer le programme de ces années d’apprentissage qui rebutent tant certains d’entre eux, traçons le portrait type de l’étudiant en lutherie, et examinons les qualités qu’il faut nécessairement rencontrer chez lui.

Il doit évidemment être très adroit, avoir des réflexes rapides et sûrs, une vue excellente, ceci pour les qualités physiques.

En ce qui concerne les qualités morales, il doit avant tout être très probe. Il est appelé à manipuler des objets de très grande valeur, et sa conscience professionnelle doit être à toute épreuve.

Il doit être persévérant, calme et patient. Mais que ceci n’exclue surtout pas l’enthousiasme ! Le luthier doit aimer passionnément son métier, il doit être sensible au beau, à l’harmonieux, avoir une nature d’artiste et de musicien, et être autant que possible violoniste ou instrumentiste lui-même. Une sérieuse culture musicale lui est d’ailleurs nécessaire.

Dans le domaine de la culture générale, l’idéal pour lui serait une formation classique; mais comme il serait trop long de pousser ses études jusqu’au baccalauréat, le certificat d’études secondaires serait suffisant.

En possession de ces qualités, d’une telle culture et de la connaissance parfaite et complète de leur métier, les luthiers futurs pourront alors créer les œuvres d’art que nous attendons d’eux et surpasser leurs grands devanciers.

En attendant, il faut qu’ils apprennent le métier. Quel est donc le programme de ces années d’études?

Un stage initial à Mirecourt est nécessaire. C’est là que le débutant apprendra, dans les ateliers artisanaux (ou dans 1’école dont on projette la création) les rudiments de son métier, en même temps que commencera sa formation théorique. Après les heures d’atelier, il assistera à des cours de dessin, modelage, sculpture sur bois, acoustique, mécanique, etc.

Seul, Mirecourt peut prendre la charge de ces débutants (…).

Ce stage, de dix-huit mois à deux ans, sera complété par un stage d’un an à Paris, où tout en poursuivant son enseignement théorique, l’élève complétera l’étude des travaux de construction, et s’initiera à la réparation et à la restauration.

Ces trois années d’études se clôtureront normalement par le C. A. P. qui comprendrait deux sortes d’épreuves, (…) pratiques et théoriques.

La première épreuve doit justifier que l’élève connaît à fond les différentes phases de la construction d’un violon, ainsi que l’emploi des outils spéciaux. Elle consistera par exemple en des travaux typiques tels que montage d’un moule, filetage, exécution d’une voûte au rabot, mise d’épaisseur d’une pièce, coupe d’une f.

Quant à l’épreuve théorique, elle comportera des questions sur la musique, la lutherie et des questions diverses portant sur la physique, la chimie, l’acoustique.

Le CAP est la preuve que l’élève connaît les rudiments, les bases du métier. Il est apte à rendre de réels services dans les ateliers artisanaux, mais il lui faut encore, pour devenir un luthier d’art, accomplir un long stage, stage terminal celui-ci, stage de perfectionnement, dans l’atelier de lutherie artistique où il a déjà travaillé.

Il y apprendra peu à peu la réparation dans ses multiples aspects, la restauration et les responsabilités qu’elle entraîne, et que seule une très longue pratique permet de posséder à fond.

L’éducation théorique de l’élève se poursuivra également. Il suivra des cours du soir de dessin, de modelage, d’histoire de la Musique au Conservatoire de Musique, d’acoustique au Conservatoire des Arts et Métiers. Il suivra aussi des cours à l’École du Louvre pour la connaissance des styles, et de fréquentes visites dans les musées seront organisées.

Il continuera également l’étude d’un instrument à cordes.

Tel est, donc, dans ses grandes lignes le programme envisagé pour un étudiant en lutherie d’art. Au cours de ces longues études que leur variété rend si attachantes, il serait nécessaire d’organiser des séries d’interrogations et de concours. L’émulation salutaire qu’ils créeraient entre les élèves stimulerait leurs efforts, tout en leur procurant bien souvent des encouragements indispensables. »

 

Autre intervenant sur le sujet : François Varçin.

 

              

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